Rez

Les ludiciels qui sont nommément dédiés à Vassili Kandinsky ne courent pas les rues. Rez (2001) doit être le seul, même si on a du mal, au premier abord, à comparer les univers graphiques du peintre russe et de Tetsuya Mizuguchi, producteur-développeur du jeu. Rez, sorti presque en même temps que JSRF, est une exception dans le jeu vidéo des années 2000, dominé par la recherche de la reproduction parfaite du réel, et époque que le créateur Eric Chahi comparait dans un interview récent à la période de la fin de la Renaissance dans l'art pictural occidental. Rez utilise pleinement la liberté qu'offre le concept de promenade dans un monde virtuel, totalement déconnecté de notre expérience quotidienne. Dans le jeu, les sons sont synchronisés aux actions, ce qui fait que le joueur influe sur la bande sonore en permanence ; il se dirige en bougeant son viseur, sans mouvoir son "corps" de manière classique ; bref tout a été conçu pour, comme dirait l'autre, ouvrir les portes de la perception.    

Voir une séquence permet de mieux se représenter l'idée générale, quoique l'expérience de jeu ne soit pas rendue fidèlement en vidéo. Assez inspirés par Tron (jusque dans l'histoire, puisqu'il s'agit d'une immersion dans un programme informatique), les efforts pour conférer à Rez une identité visuelle techno assumée et originale apparaissent, avec le recul de dix ans écoulés, aussi courageux que malheureusement uniques.